Le rôle du FFEM est non seulement de soutenir l’innovation, mais aussi de favoriser le passage à l’échelle des solutions, c’est-à-dire de favoriser leur ancrage local, leur diffusion à plus large échelle territoriale ou sectorielle, ou leur capacité d’influencer des pratiques et politiques publiques. Les processus d’évaluation et de capitalisation jouent un rôle décisif dans l’accomplissement de ces missions.
L’évaluation-capitalisation est ancrée depuis plus de vingt ans au FFEM : les premières évaluations ex post recensées datent de 1998, la systématisation des évaluations s’opère depuis 2002 et un guide de l’évaluation, produit en 2007 pour orienter ces activités, est encore pertinent aujourd’hui.
L’évaluation-capitalisation permet de tirer les enseignements des projets, comprendre quelles solutions fonctionnent et les pistes à suivre pour contribuer à leur développement et leur réplicabilité. Elle produit des connaissances inestimables, de nature opérationnelle, scientifique, ou à visée stratégique, qui peuvent être utiles au FFEM et à ses partenaires comme à tous les acteurs locaux et praticiens. Ces savoirs doivent être valorisés et partagés vers les publics les plus concernés afin d’amplifier la force des réponses apportées à la crise environnementale. L’évaluation répond enfin aux enjeux de redevabilité, non seulement du bon usage de la dépense publique, mais aussi de l’efficacité de l’aide.
ÉVALUER LES ACTIONS ET CAPITALISER LES EXPÉRIENCES DES PROJETS
Au-delà de l’expérience locale, la démarche d’évaluation et de capitalisation poursuit 4 objectifs :
- Formaliser des pratiques vertueuses et des savoir-faire innovants en vue de les reproduire à plus grande échelle dans la perspective de la théorie du changement,
- Produire des connaissances dans les domaines de l’environnement mondial et du développement durable afin d’alimenter le débat français et international, notamment dans le cadre des négociations de conventions internationales,
- Optimiser les modalités d’intervention et de soutien du FFEM dans la perspective de ses futurs programmes et projets,
- Communiquer sur les actions du FFEM dans le cadre des partenariats actuels et futurs et dans une volonté de transparence auprès des publics.
ÉVALUER
L’évaluation au FFEM : un pilier fondamental
Des évaluations au service de la redevabilité, de la décision et de l’action
L’un des rôles fondamentaux de l’outil évaluatif est de rendre compte du bon usage des fonds publics et de l’efficacité de l’aide. Il est en cela un outil de redevabilité, qui s’exerce autant auprès des contribuables que des bénéficiaires. Des évaluations de qualité permettent de s’assurer que la dépense publique contribue réellement à produire des impacts positifs là où elle est dirigée.
Mais il ne s’agit pas de restreindre le rôle de l’évaluation à celui d’un instrument de mesure et de contrôle, puisque son utilité se révèle bien plus vaste. Les évaluations et les capitalisations au FFEM sont en effet des outils stratégiques : il n’y a pas d’innovation sans évaluation et capitalisation. Elles forment un lien très fort avec l’innovation puisque ces exercices permettent d’identifier les pratiques et les procédés qui fonctionnent, de tirer les enseignements des projets, ainsi que les perspectives de passage à l’échelle. Elles fournissent également des informations capitales sur les effets réels des solutions et offre un regard réflexif sur les projets et la propre action du FFEM (stratégie, niches d’innovation, modalités d’accompagnement, etc).
Le FFEM évalue les projets en ex-post depuis 2002. En pratique, plus de 80% des projets achevés ont été évalués.
Une variété de modes d’évaluations
Les évaluations ne se limitent pas à leur variante ex-post, réalisées en bout de course d’un projet unique. Il existe une palette d’évaluations servant chacune une finalité spécifique :
- Les évaluations et les capitalisations par grappe de projets - thématiques, géographiques, appels à projets
- Les évaluations mi-parcours
- Les évaluations ex-ante
Au-delà des critères d’évaluation standards
Au même titre que nombre de bailleurs de fonds internationaux, le FFEM évalue son action au regard des critères d’évaluation des politiques publiques et de ceux développés par le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE. Toutefois, ces critères - pertinence, efficacité, efficience, impact, durabilité - ne suffisent pas toujours à rendre compte des réalités souvent complexes que le FFEM cherche à observer. Son engagement pour l’innovation au service de la protection de l’environnement et du développement économique et social suggère que des critères plus fins et plus proches des principes qui l’animent soient appliqués. Il a ainsi développé en interne et avec des partenaires spécialisés de nouveaux critères qui ont à présent incorporés dans ses évaluations :
- Un critère d’exemplarité environnementale du projet FFEM questionnant l’additionnalité et la valeur ajoutée du financement du FFEM dans un contexte donné
- Un critère de visibilité, évaluant si le projet a pu mettre en place des activités efficaces visant à sa promotion ou à la diffusion de ses activités et enseignements clés
- Un critère relatif à l’apprentissage collectif, évaluant les mesures mises en place pour favoriser des démarches à visée capitalisante
- Un critère relatif à la réactivité et à la flexibilité des partenaires et du FFEM, à la souplesse de la gestion du projet
Pour un « droit à l’essai »
Si l’évaluation et la capitalisation sont des démarches qui se doivent de souligner les succès des actions menées pour accompagner le passage à l’échelle, elles ne doivent pas s’empêcher d’identifier et d’assumer erreurs et échecs afin d’en tirer des leçons pour l’avenir, corollaires de l’expérimentation. Les écueils s’avèrent souvent particulièrement riche d’apprentissage. Le FFEM appuie des projets innovants qui n'auraient pas toujours été soutenus par d’autres bailleurs ; c’est son rôle de prendre des risques en pariant sur des modèles encore peu mis à l’épreuve. L’essai n’est donc pas pensé comme un échec, mais comme un détour potentiel qu’il s’agit parfois d’emprunter pour apprendre et améliorer l’action. Comme pour l’analyse des succès, celle des essais doit permettre de tirer des enseignements généraux, et transférables à d’autres échelles, à d’autres contextes.
CAPITALISER
La capitalisation au FFEM : un processus renforcé
Une démarche à vocation multiple : redevabilité, valorisation des savoirs et aide à la décision
La capitalisation est un exercice central dans l’ADN du FFEM. Menée avec les partenaires des projets, elle permet d’analyser en profondeur leurs actions et leurs outils, de mettre en commun leurs expériences et de formuler ensemble des « connaissances partageables » utiles à tous. Elle pousse à la transformation des pratiques et valorise les innovations, identifie les succès comme les écueils. Elle contribue ainsi au passage à l’échelle des solutions qui fonctionnent.
Le FFEM soutient des projets dont les implications scientifiques, techniques, et opérationnelles sont souvent majeures. Il souhaite donc faire de s ces capitalisations des clés de compréhension et de dialogue aidant à appréhender les grands enjeux socio-environnementaux de notre temps, mais aussi des outils de décision et d’action à destination de l’ensemble des partenaires : praticiens du développement, décideurs politiques, acteurs publics et privés, sociétés civiles et citoyens.
Un lien fort entre évaluation et capitalisation
La qualité des capitalisations est souvent corrélée à leur degré d’anticipation au cours de la vie du projet. L’évaluation a ici un rôle de premier plan à jouer, et le lien entre ces deux exercices gagne à être renforcé. Cela peut s’opérer dès l’amont du processus d’évaluation, en attribuant une visée capitalisante à une partie des questionnements évaluatifs. Cela prépare le travail et la réflexion de moyen-long terme. Ce lien peut aussi être poussé à travers les typologies même des évaluations, en ayant recours à des évaluations par grappe de projets par exemple, approche privilégiée par le FFEM. Ce procédé permet d’obtenir un regard traversant et approfondi sur une thématique donnée et peut constituer à ce titre une étape préliminaire à la capitalisation.
La capitalisation : une profondeur d’enseignements pour partager les connaissances
La capitalisation vise à produire des savoirs guidant l’action future opérationnelle, scientifique et politique.
Le FFEM cherche à réaliser des capitalisations de façon plus systématique, dès qu’un portefeuille thématique arrive à maturité par exemple, ou qu’un fort enjeu technique sur un sujet donné est constaté, mais aussi à les programmer plus stratégiquement. Au-delà des exercices menés au sein des projets, le FFEM cible et conduit ainsi en direct des processus de capitalisation sur des sujets à fort impact ou d’actualité.
En réalisant des capitalisations croisées autour d’une thématique donnée, fondées sur les expériences combinées de plusieurs projets, il devient possible de confronter les points de vue, de créer des liens entre des acteurs et des contextes différents, d’avoir un retour plus fin sur sa propre action, et ainsi d’aboutir à des synergies fortes produisant des savoirs construits et approfondis. La capitalisation permet d’identifier de façon plus précise les logiques agissant derrière les succès et les essais, et donc les solutions pouvant fonctionner au-delà du contexte d’origine. Elle fournit à ce titre des clés déterminantes pour penser le passage à l’échelle. Cet exercice permet également de tisser des liens entre des acteurs provenant de géographies différentes mais affrontant des problématiques similaires, et de créer par-là de véritables communautés de pratiques et de savoirs.
Pour un plaidoyer à l’échelle internationale
Les capitalisations, au-delà de leur vocation opérationnelle et scientifique, peuvent servir d’argumentaire auprès des décideurs politiques et des partenaires techniques et financiers. Elles peuvent engendrer d’importants effets de levier et transformer durablement les politiques nationales et les pratiques internationales, l’alignement avec les temps forts de l’Agenda international en renforçant d’autant la portée. Elles participent en cela au soutien à l’innovation, au débat international et favorisent le passage à l’échelle des solutions.
En 2021, le FFEM a publié une capitalisation « retour d’expériences sur 25 ans et près de 40 projets » sur les aires marines protégées en lien avec les débats du Congrès de l’IUCN de septembre 2021 à Marseille ou d’IMPAC V en février 2023 à Vancouver.
La publication sur les aires marines protégées réalisée par le FFEM est notamment citée dans la formation MOOC sur la biodiversité et la gestion des aires protégées de l’UICN PACO.
Le FFEM a également accompagné une publication sur la gestion partagée de zones protégées en haute-mer afin d’alimenter les négociations autour du traité sur la conservation dans les eaux allant au-delà des juridictions nationales.
Focus : L’initiative Mangrove du FFEM
Lancée en 2018, l’Initiative Mangroves vise à développer les échanges d’expériences entre projets de protection et de régénération de littoraux à mangroves, alimenter la connaissance scientifique et technologique, capitaliser et valoriser leurs acquis. Sa plateforme collaborative est un outil clé qui permet de créer des ponts entre experts et chercheurs de différents continents latino-américain, africain et asiatique, de favoriser les échanges et diffuser les avancées des travaux tout au long de l’exécution des projets.
La collection « Cap’ Sur » du FFEM
« CAP’SUR » est la collection de capitalisations imaginée par le FFEM pour partager des solutions et enclencher des transitions à grande échelle. Elle s’appuie sur le triptyque “Innover, expérimenter, partager” et vise à partager largement les enseignements les plus marquants des innovations socio-environnementales. À travers la publication d’ouvrages de fond, de notes aux décideurs et de films courts pour un public élargi, elle offre un espace d’expression original aux porteurs des projets que nous soutenons.
En 2022, le premier ouvrage de cette collection concernait la capitalisation sur 30 ans de recherche scientifique sur la gestion des forêts du bassin du Congo et plus largement d’Afrique centrale dont les recommandations ont été diffusées à l’occasion du One Forest Summit de Libreville en mars 2023. le deuxième concernait la nature dans les villes d’Amérique latine.
Capitalisation PPI
Depuis bientôt 20 ans, les programmes de petites initiatives (PPIs) soutiennent la société civile africaine dans la conservation de la nature et le développement socio-économique local. Grâce à des subventions de 30000 euros en moyenne et à un appui de proximité, les PPIs contribuent à renforcer les capacités des acteurs de terrain, à accroître leur légitimité dans le débat public et à les faire et innover en faveur de l’environnement du développement socio-économique.
Lancé en 2006 en Afrique de l’Ouest et centrale, le programme PPI a été rejoint en 2014 par son homologue nord-africain, le PPI OSCAN –suite à l’évaluation très positive de l’impact du PPI-.
Cette capitalisation croisée vise à mettre en avant le rôle que peut jouer la société civile africaine dans la préservation de l’environnement, en croisant, mutualisant et mettant en perspectives les situations et expériences des deux programmes.
Bonnes pratiques
- Encourager le développement des politiques publiques environnementales africaines.
- S’orienter le plus possible vers les solutions fondées sur la Nature.
- Échanger et partager les bonnes pratiques entre et au sein des réseaux d’OSC.
- Cultiver la bienveillance en instaurant des rencontres régulières entre partenaires et en travaillant au plus près des populations locales.
- Penser très tôt à la pérennisation technique, organisationnelle et financière des structures.