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Anniversary of the Paris Agreement: focus on the ACT-DDP project
Le projet ACT-DDP, soutenu par le FFEM, accompagne les entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre et organise le dialogue entre le secteur privé et les décideurs nationaux. L’objectif : limiter l’impact climatique de secteurs très émetteurs comme celui du transport de passagers, de l’électricité, du ciment, ou de l’usage des sols, au Mexique et au Brésil. A l’occasion du 5e anniversaire de l’Accord de Paris, les porteurs de ce projet reviennent sur son caractère innovant.

En construisant avec les entreprises des transitions cohérentes avec l’Accord de Paris, on montre que contenir le réchauffement climatique global bien en-dessous de 2°C, c’est possible!

Le projet ACT-DDP est l’alliance de deux initiatives nées au moment de la COP21 : 

  • L’initiative Assessing low Carbon Transition (ACT), portée par l’ADEME, qui apporte une méthodologie pour évaluer les stratégies de réduction des émissions des entreprises ;
  • L’initiative Deep Decarbonization Pathways (DDP), portée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), qui élabore des scénarios de décarbonation, par secteur et par pays.

Anniversaire de l’Accord de Paris : focus sur le projet ACT-DDP      Yann Briand est coordinateur du projet ACT- DDP à l’Iddri
Anniversaire de l’Accord de Paris : focus sur le projet ACT-DDP     Rocio Caicedo Torrado est cheffe de projet de l’initiative ACT-DDP à l’Ademe.
Anniversaire de l’Accord de Paris : focus sur le projet ACT-DDP     Daniel Buira est co-fondateur et directeur de Tempus Analitica, think tank partenaire du projet ACT-DDP au Mexique.

 

Comment ce projet répond-il à l’Accord de Paris ?

Yann Briand : L’Accord de Paris a entériné deux dynamiques complémentaires. D’une part, il a établi que les Etats devaient contribuer à l’effort global en s’engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. D’autre part, avec l’Agenda de l’action, le processus a acté pour la première fois dans une négociation internationale l’importance des acteurs non-étatiques dans la décarbonation, notamment des entreprises. Le projet ACT-DDP s’insère dans cette vision. Il crée une interface entre les entreprises et les Etats en leur fournissant des outils de dialogue. 
Pour atteindre l’Accord de Paris, des transformations économiques profondes sont nécessaires. Cela nécessite un plan, une trajectoire, un ensemble d’actions détaillées. Ce projet donne les outils aux entreprises pour le faire : pour un secteur industriel donné et pour un pays donné, il montre très concrètement à quoi pourrait ressembler des transitions d’entreprise cohérentes avec l’Accord de Paris. 


Daniel Buira : L’Accord de Paris a fixé un objectif global pour limiter le changement climatique, contenir l’élévation de la température globale « nettement en dessous de 2°C » et le plus proche possible de 1,5°C. C’est une réalisation majeure. Mais le modèle a ses limites, et souffre de deux déficits. D’abord, il y a un écart entre l’objectif de l’accord et les engagements nationaux, insuffisants pour atteindre ce but: c’est le déficit de mise en œuvre. Un deuxième écart se trouve entre les engagements et ce dont on a réellement besoin pour atteindre cet objectif : c’est le déficit d’ambition. Ces dernières années, la référence pour l’action climatique a été les engagements nationaux, ce qui est très dangereux puisque cela laisse penser aux Etats qu’ils peuvent se contenter de simplement respecter leurs engagements, alors que l’objectif global sera manqué. Le projet DDP-ACT a fait partie des premières voix à pointer ce déficit d’ambition. Dans notre projet, la référence pour l’ambition n’est pas l’engagement national mais l’objectif scientifique – « bien en-dessous de 2°C » -, énoncé dans l’Accord de Paris, et dans les scénarios du GIEC.


En quoi le projet est-il particulièrement innovant ? 

Rocio Caicedo Torrado : L’innovation réside dans la rencontre des deux initiatives, ACT et DDP, qui s’adressaient à des acteurs différents, les entreprises d’une part, les décideurs publics de l’autre. Le projet permet d’instaurer un dialogue entre les entreprises, les acteurs publics et d’autres acteurs clés pour la transition économique, comme les investisseurs. Le but est de co-construire des stratégies nationales de transition et une vision détaillée des secteurs. La méthodologie d’évaluation ACT se trouve précisée par l’apport de DDP. En effet, la trajectoire de référence utilisée pour évaluer les stratégies des entreprises est maintenant nationale, et non plus globale. Cela permet de représenter les enjeux de manière plus détaillée et précise pour l’entreprise. Par ailleurs, nous travaillons ici sur deux géographies sur lesquelles ACT n’avait jamais travaillé, le Brésil et le Mexique : de nouveaux enjeux émergent, liés au développement de ces pays. De son côté, l’approche DDP, qui mobilisait jusque-là les acteurs publics et académiques, s’ouvre aux enjeux des entreprises. La combinaison des deux initiatives les rend chacune plus solide et pertinente. 


Daniel Buira : Du point de vue des entreprises, le potentiel d’innovation est grand. Les entreprises savent se fixer des objectifs de décarbonation à 2050, mais définir des actions concrètes pour les atteindre reste un défi. Si nous parvenons à aider une entreprise à construire sa stratégie de transition en lui fournissant des outils spécifiques à son secteur et à son pays, ce sera une énorme innovation. Dans la conception classique des entreprises, l’environnement est souvent perçu comme une réglementation coûteuse. La nécessité d’une transformation profonde est encore une idée nouvelle. Avec ce projet, nous fournissons un guide pour leurs décisions stratégiques, nous précisons leurs contraintes. Les trajectoires sectorielles élaborées dans le projet leur donnent une idée de l’avenir de leur secteur. Nous montrons les transformations qui  vont se produire si les pays respectent leurs engagements climatiques, avant même qu’elle se réalisent, c’est presque une boule de cristal ! 
Le grand enjeu pour atteindre les objectifs climatiques, c’est de prouver que c’est dans l’intérêt des acteurs d’avoir recours aux énergies bas carbone. En construisant avec les entreprises des stratégies de transition concrètes et cohérentes avec l’Accord de Paris, on montre que contenir le réchauffement climatique global bien en-dessous de 2°C , c’est possible !


Comment envisagez-vous de partager cette méthode pour que le projet soit répliqué à termes ?

Yann Briand : Le projet n’est encore qu’une phase-test, nous travaillons avec une dizaine d’entreprises dans chacun des deux pays. Evidemment, pour réduire plus fortement les émissions, il faudra le répliquer, en impliquant plus d’entreprises par secteur, plus de secteurs, et plus de pays. Les secteurs de l’industrie lourde, très émetteurs, seront à privilégier. Nous prévoyons de partager les résultats à plusieurs niveaux. Au-delà des publications scientifiques, nous organiserons des conférences publiques de restitution et des dialogues avec l’ensemble des parties prenantes au Mexique et au Brésil, mais aussi à l’échelle régionale, et à la COP26, pour toucher la communauté internationale. 


Rocio Caicedo Torrado : Nous sommes également en train de préparer un site web pour le projet. Il nous permettra de partager les méthodologies et les résultats. L’idée étant que ceux-ci soient facilement consultables par secteur. Lorsque le projet sera terminé, nous envisageons d’élargir la formation des entreprises à la méthodologie ACT à d’autres pays en Amérique Latine. La méthode sera prête, et le réseau d’acteurs avec lesquels le DDP a déjà travaillé en Amérique latine pourrait nous permettre d’avancer rapidement, par exemple en Equateur, en Argentine, en Colombie ou au Pérou. 


Daniel Buira : Les résultats de ce projet seront libres d’accès. Si le projet porte ses fruits, il permettra au public d’avoir accès à une information de qualité sur un secteur donné, ce qui donnera à la société civile la possibilité d’agir par elle-même. Les rapports scientifiques sur le changement climatique ne vont pas changer les choses : nous les avons déjà et ils ne suffisent pas, malheureusement. Le changement pourrait venir des entreprises, mais aussi de la société civile, ou d’autres acteurs. Je pense aussi aux villes et aux régions, qui seront probablement intéressés par nos résultats concrets et locaux, par exemple dans le domaine des transports.