« La planète a besoin d’instruments horizontaux comme le FFEM » : interview avec Monique Barbut

publié le 15 Juin 2021
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 Jean-Michel Krief
Désormais présidente de WWF France, Monique Barbut jouait déjà un rôle clé lors des négociations du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Première secrétaire générale du FFEM à sa création, elle a, depuis, dirigé entre autres le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM). Elle livre sa vision des enjeux environnementaux actuels et du rôle que peut jouer le FFEM.

Monique Barbut © Patrick Gaillardin  Monique Barbut, présidente du WWF France

Comment répondre aux crises du climat et de la biodiversité ?

Monique Barbut : Ces deux crises se nourrissent mutuellement et sont imputables aux activités humaines. Il faut revoir nos modèles pour rester dans les limites planétaires : arrêter d’élever plus de bétail que les terres ne peuvent en accueillir, de prélever plus de bois que les forêts ne peuvent en donner… Les décisions politiques doivent être alimentées par la science et être prises rapidement. Limiter les émissions n’aura pas d’effet sur le réchauffement si les grands pays émergents ne visent pas aussi la neutralité carbone. En attendant, il reste beaucoup à faire en termes d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Enfin, il faut aborder les questions dans leur complexité, de manière transversale et non en silo, car elles sont liées. Les solutions fondées sur la nature sont une voie très prometteuse sur laquelle nous devons accélérer.

Est-il encore possible d’inverser la tendance ?

M.B : Pour cela, il est nécessaire d’aborder ces crises conjointement. L’IPBES et le GIEC viennent d’ailleurs de publier un rapport commun, qui propose des solutions pour faire face à ces deux défis, profondément interconnectés.
On ne peut pas lutter contre ce qui a été déjà fait, mais il est encore possible d’éviter le pire, avec un double enjeu : celui de nos modes de consommation et de production. Il nous faut inventer de nouveaux modèles et travailler de façon intensive à régénérer les écosystèmes sur Terre. J’ai toujours été étonnée que la santé de nos économies ne soit mesurée que par le chiffre de croissance économique. Cette année, on a vu nos chiffres du PIB décroitre, tout cela à cause d’une pandémie dont il y a fort à penser qu’elle est liée à la détérioration des écosystèmes. Si l’on continue comme ça, la décroissance va nous être imposée. D’où l’intérêt d’inventer une croissance intelligente qui subvienne à nos besoins, sans gâchis de ressources naturelles, pour des biens dont nous n’avons pas forcément besoin. Ce changement passera par une autre manière de calculer notre richesse.

Quel regard portez-vous sur le rôle du FFEM dans le futur ?

M.B : Le FFEM a cette capacité, de par sa taille, à être agile et à tester des solutions de manière rapide. Il sert de laboratoire en termes de gouvernance et de solutions, et doit continuer à le faire. Il faut aussi qu’il continue à s’inscrire dans une dynamique internationale. Depuis sa création il y a 25 ans, il n’a pas démerité, au contraire. Malgré des moyens restreints, le FFEM est aujourd’hui un instrument compris et reconnu par l’écosystème dans lequel il évolue. Il faut consolider sa fonction de laboratoire. La planète a besoin d’instruments horizontaux comme le FFEM. Il doit donc continuer le plus possible à soutenir des projets qui testent des solutions en considérant les problématiques de façon transversale.