L'Aire de Conservation de Chimanimani (ACC) est une aire protégée transfrontalière s'étendant sur environ 1000 km² et située à l’est du Mozambique, dans la zone montagneuse frontalière avec le Zimbabwe. Cette aire est particulièrement importante en termes de stabilité régionale, de richesse culturelle et de potentiel touristique. Elle est également caractérisée par une diversité d'habitats et d'espèces, présentant une valeur historique et culturelle considérable. Cette aire de conservation abrite le Parc National de Chimanimani, une réserve reconnue pour sa biodiversité végétale qui comprend plus de 2 182 espèces de plantes, soit plus de 30% de la diversité totale estimée de plantes de tout le pays, ainsi qu'une zone tampon périphérique riche en forêts. Cependant, elle est confrontée à de nombreux défis tels que le braconnage, l'orpaillage, le défrichement et d'autres activités humaines illégales. Ces pratiques ont des conséquences néfastes sur la biodiversité et menacent l'équilibre écologique de la région.
Pour faire face à ces défis, le projet Chimanimani cherche à garantir la préservation de la biodiversité, tout en valorisant le patrimoine naturel et culturel et en favorisant le développement socio-économique des communautés locales. Il se concentre sur les zones les plus riches en termes de biodiversité et qui ont connu les plus forts taux de déforestation et de perte de biodiversité au cours des dernières années, et dans lesquelles les besoins de moyens de subsistance et de conservation de la biodiversité sont les plus importants.
Le projet est porté par les fondations BIOFUND et MICAIA, l’Administration nationale des Aires de conservation (ANAC) et le Parc national de Chimanimani (PNC), avec le soutien du Fonds Français pour l'Environnement Mondial (FFEM) et l’Agence Française de Développement (AFD) pour un montant de 4,2 millions d’euros.
Le projet Chimanimani est structuré selon quatre composantes, visant à améliorer la connaissance et la protection du patrimoine naturel et culturel de l’aire de conservation, à renforcer les droits fonciers des communautés locales, à professionnaliser la filière miel et à développer deux autres filières de produits issus de la biodiversité, ainsi qu’à sécuriser le financement durable de l'aire de conservation grâce à un dispositif de paiements pour services écosystémiques et un site pilote de compensation de la biodiversité.
Le projet a enregistré des progrès significatifs jusqu'à présent. Dans le cadre de la professionnalisation de la filière miel, 81 apiculteurs « leaders » ont été formés, et 405 ruches leur ont été distribuées. Cette initiative renforce la capacité des communautés à exploiter durablement les ressources naturelles de la région. En parallèle, la construction de 4 centres de traitement du miel est actuellement en cours dans les communautés de Macoca, Zomba, Gotogoto et Tsetsera. Ces centres jouent un rôle clé dans la transformation et la valorisation des produits de la ruche, créant ainsi des opportunités économiques pour les communautés locales.
Le projet a également permis d'identifier de nouvelles chaînes de valeur. Parmi celles-ci figurent le champignon, l'huile essentielle de Lippia Javanica, le thé à base de Lippia Javanica, ainsi que les confitures à base d'Uapaca Kirkiana et de Parinari Curatellifolia. Ces filières en développement offrent des débouchés économiques supplémentaires et encouragent la diversification des activités économiques dans la région.
En identifiant de nouvelles opportunités économiques, le projet contribue à l'amélioration des conditions de vie des habitants tout en préservant les écosystèmes uniques de la région. Milagre Nuvunga, co-fondatrice de la fondation MICAIA témoigne de l'impact de ce projet novateur :
ce projet nous a permis de géoréférencer chaque foyer de la zone tampon. Cela représente 5280 familles et 37229 personnes, dont certaines vivent dans des endroits isolés, au sommet des collines ou au plus profond de la forêt. Nous disposons désormais d'un ensemble de données unique, avec des informations détaillées sur les communautés et les ménages, y compris leur composition socio-économique, permettant à tous les organismes compétents, en particulier aux communautés concernées, de prendre des décisions cruciales pour leur développement durable et la conservation de l'importante diversité biologique qui soutient la vie dans la zone de conservation de Chimanimani.
En développant des partenariats de longue durée pour la gestion de l'aire de conservation, le projet contribue également à renforcer la société civile environnementale au Mozambique. La filière miel développée à Chimanimani est l'une des seules en Afrique à générer des revenus significatifs pour les communautés locales, témoignant de l’importance de la valorisation de la biodiversité locale pour le développement socio-économique de ces communautés.
La professionnalisation de l'apiculture change la vie des femmes dans la zone de conservation de Chimanimani. Dans une société patriarcale et polygame très complexe, cette activité génératrice de revenus, qui dispose d'un marché sûr et équitable au sein de la Mozambican Honey Company, transforme l'action des femmes et leur relation avec l'environnement et le programme de conservation.
souligne Milagre.
Enfin, le projet Chimanimani est un exemple de bonne pratique pour la gestion durable de l'aire de conservation et de la biodiversité ainsi que pour l'élaboration de plans de développement durable de territoires.
La récente visite du site nous a permis de constater le chemin parcouru par ce projet dont le financement arrive à terme l’année prochaine. Le soutien du FFEM aura permis de déclencher et d’accompagner des modes de gestion concertée du territoire, répondant à la fois à des objectifs de développement et de conservation en lien avec le parc national de Chimanimani. Cette gouvernance s’est construite entre tous les acteurs, associant les autorités du parc, un fonds de conservation (BioFund), des chercheurs (biologistes, anthropologues, ethno-botanistes), une ONG locale bien implantée (MICAIA), ainsi que des petites entreprises privées (notamment producteurs de miel) qui tirent bénéfice du parc national. C’est un bel exemple de cohabitation entre communautés et parc national, où la biodiversité est perçue comme un facteur de bien-être et de développement. Les résultats à date sont très encourageants, et l’attachement des habitants à leur territoire ainsi que l’engagement remarquable de tous les acteurs, laissent présager des effets pérennes qui iront bien au-delà de la simple période de financement du projet.
déclare Xavier Debade, responsable projets forêts et restauration des écosystèmes au FFEM.
L’approche intégrée et innovante de ce projet, permettant d’assurer la sécurité foncière des communautés locales et la création de revenus pour les communautés locales à partir de produits naturels locaux exploités durablement, peut être répliquée avec succès dans d’autres aires protégées dans le pays. En encourageant l’adoption de cette approche reproductible et en valorisant les résultats prometteurs obtenus, le FFEM aspire à inspirer d'autres initiatives similaires à travers le monde, contribuant ainsi à la protection de la biodiversité et au développement socio-économique des populations locales.