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déchets
Mettre en place une gestion durable des déchets plastiques à Kerkennah, en Tunisie, c’est l’objectif du projet Plast’ile, porté par l’ONG SMILO et signé par le FFEM lors du Congrès mondial sur la nature de l’UICN en septembre 2021. À l’occasion du Forum des mondes méditerranéens, retour sur une solution innovante avec Sylvain Petit, secrétaire exécutif de SMILO.
Sylvain Petit

              Sylvain Petit, secrétaire exécutif de l’ONG Small Islands Organisation (SMILO)

Quels sont les principaux enjeux liés à la pollution plastique en Méditerranée, et dans les îles Kerkennah ?

Le constat est alarmant : la Méditerranée est l’une des mers les plus polluées au monde. Elle atteint des niveaux records de concentration de microplastiques avec 1,25 million de fragments par kilomètre carré, ainsi que de macroplastiques. En cause : une forte densité de population, une mauvaise gestion des déchets, un tourisme et un trafic maritime accrus. Sa position « au milieu des terres » freine le renouvellement des eaux, ce qui aggrave la tendance. Alors que la Méditerranée fait partie des hotspots de biodiversité mondiale, la pollution plastique y menace à la fois les écosystèmes marins et la santé humaine, à travers l’alimentation notamment.

Notre ONG, Small Islands Organisation (SMILO), concentre ses efforts sur les territoires insulaires, particulièrement vulnérables aux impacts de la pollution plastique et du réchauffement climatique. C’est le cas de l’archipel de Kerkennah, en Tunisie, où plus de 600 tonnes de déchets sont rejetées en mer chaque année, principalement par les pêcheurs, et représentent un enjeu de premier plan.

Comment le projet Plast’ile lutte-t-il contre la pollution plastique ?

Pour encourager une transition effective, le projet Plast’ile se concentre sur l’une des principales causes de la pollution plastique à Kerkennah : le rejet des nasses en plastique à la mer par les pêcheurs. Très peu coûteuses, celles-ci ont remplacé les nasses en palmier-dattier traditionnelles, mais elles se cassent facilement et sont alors abandonnées, faute d’une meilleure gestion des déchets. Soutenue par le FFEM, notre initiative s’appuie sur une solution innovante conçue par Earthwake : transformer le plastique usagé en carburant grâce à une machine de pyrolyse, la Chrysalis 40. Un troc a été mis en place de manière très pragmatique : nous encourageons les pêcheurs à rapporter leurs nasses usagées par le biais d’une collecte et, en contrepartie, ils reçoivent du carburant. L’objectif est d’avoir un impact global sur la qualité de vie des populations insulaires. Le projet Plast’ile protège la biodiversité unique de Kerkennah tout en prenant en compte les réalités socio-économiques du territoire.

En quoi ce projet est-il particulièrement innovant ?

Le projet Plast’ile innove tout d’abord par la solution technologique qu’il propose pour mieux gérer les déchets plastiques. La pyrolyse n’est pas une technologie nouvelle, mais la Chrysalis 40 est la seule machine low-tech pouvant être transportée de manière fonctionnelle dans des zones parfois difficilement accessibles. De plus, elle est facile à utiliser et demande peu d’assistance technique de la part d’Earthwake une fois les employés locaux formés.

Innovant également car la gouvernance du projet Plast’ile met autour de la table tous les acteurs publics, privés et de la société civile. Depuis 2019, Kerkennah s’est doté d’un comité insulaire pour programmer le développement durable de l’archipel. Première étape pour obtenir le label « Île durable » de SMILO, reçu par Kerkennah en 2020, la mise en place de ce comité constitue selon nous la pierre angulaire d’une dynamique positive. Dans un contexte parfois épineux, il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur une municipalité volontaire et sur les associations locales. Force d’animation et de sensibilisation essentielle, elles représentent un relais sur le terrain et un porte-voix pour nos actions.

Le projet Plast’ile est innovant parce qu’il apporte une réponse pragmatique au problème de la pollution plastique en s’appuyant sur les dynamiques locales.

Pensez-vous pouvoir étendre les leçons tirées de ce site pilote ailleurs en Méditerranée, et dans le monde ?

La réplicabilité est au cœur de notre mission et de ce projet. Nous concentrons nos efforts sur les territoires insulaires parce qu’ils offrent un terreau fertile pour l’innovation, qu’elle soit technologique, économique ou sociale. C’est la première fois qu’une telle machine est exploitée sur un site éloigné, dans des conditions difficiles, où la population n’était pas formée. Nous allons maintenant pouvoir étendre cette solution ailleurs, que ce soit à d’autres îles, dans le cadre de SMILO, ou au continent.