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Rocher de Bouamir Cameroun
La 15ème Conférence des Parties de lutte contre la désertification (COP15) débute ce lundi 9 mai à Abidjan, une semaine après la publication du rapport de la convention des Nations unies contre la désertification (UNCCD). Selon ce rapport, 40% des terres sont aujourd’hui dégradées et une personne sur deux est affectée par ce phénomène. Pourtant, des solutions existent et l’ordre du jour de cette COP met l’accent sur l’adaptation aux sécheresses et les solutions durables pour la restauration des terres. Patrice Burger, président et co-fondateur de l’ONG CARI (Centre d’actions et de réalisations internationales), nous parle de l’importance de cette 15ème COP désertification et de son engagement pour mettre l’agroécologie à l’ordre du jour des négociations, en présentant notamment les résultats du projet AVACLIM.

 

Patrice Burger Cari
Patrice Burger - President and co-founder of the NGO CARI

 

La 15e COP sur la lutte contre la désertification débute à Abidjan. La tenue de cet évènement en Afrique lui donne-t-elle une dimension particulière ?

En effet, on pourrait dire que la COP désertification est une conférence africaine. Tout d’abord car le continent africain est particulièrement touché par la désertification et la dégradation des terres. Mais aussi parce que cette COP est un instrument qui a été voulu et négocié par les Africains dans les années 90s. À cette époque, les pays du continent se sentaient moins concernés par les questions du changement climatique et de biodiversité, ils ont donc négocié la mise en place de cette convention spécifique sur la désertification, ratifiée en 1994 à Paris. 
L’autre raison pour laquelle cette conférence sera d’une certaine importance, c’est l’un de ses focus : la sécheresse. Pendant la COP14 tenue en Inde en 2019, les pays d’Afrique ont demandé un instrument contraignant à ce sujet. Il y a fort à parier que cette conférence verra la partie africaine appuyer à nouveau cette question, ce à quoi sont opposés les pays de l’Union européenne notamment. 

Selon les Nations unies, plus de 2 millions d'Ha de terres sont dégradées dans le monde. Quelles régions sont en danger, et quelles sont les conséquences sur le long terme pour leurs populations ?

Il y a énormément de terres dégradées, le rapport de l’UNCCD parle de 40% de la surface des terres dans le monde. Mais qu’appelle-t-on une « terre dégradée » ? La définition est complexe. De manière générale, la dégradation des terres, toutes régions confondues, est le processus de dégradation du potentiel biologique des sols, qu’il soit lié à des facteurs naturels (sécheresse, tempête, érosion hydrique) ou humains (bétonisation des sols, intrants chimiques et les excès de mécanisation dans l’agriculture). Le couvert végétal se dégrade ; l’eau et l’air ne circulent plus correctement, et l’eau ruisselle, érode et s’évapore, au lieu de pénétrer dans les sols. 
L’instrument qu’est la COP désertification se limite aux zones arides, semi-arides et subhumides sèches. C’est un large panel de régions où la pluviométrie est globalement égale ou inférieure à 500 millimètres. On retrouve ces régions un peu partout y compris en Europe. Le premier continent affecté aujourd’hui est l’Asie, puis viennent l’Afrique et l’Amérique latine.
Les régions sèches et arides sont sur le fil du rasoir, notamment les savanes sèches qui sont des zones de production agricole importante. En Afrique, ce sont les régions sahéliennes qui sont directement concernées. Souvent très peuplées, ces régions sont précipitées dans la non-production par le moindre écart pluviométrique. Cette convention a également pour objet de cibler ces zones qui cumulent les contraintes telles que les aléas climatiques fragilisant les terres, et des croissances de population fortes qui font pression sur l’urbain. 

En quoi l’agroécologie, et plus particulièrement le projet AVACLIM, répondent-ils aux enjeux qui seront abordés dans cette COP, en matière de lutte contre la dégradation des terres, mais aussi d’adaptation au changement climatique ? 

Pour la petite histoire, le CARI vient de l’agroécologie. Dans les années 90, nous avons créé la première formation en Europe en matière d’agroécologie en zones sèches. À cette époque, les regards étaient critiques et il a fallu 30 ans de force de conviction pour continuer à porter cette approche comme l’une des réponses aux enjeux environnementaux. Aujourd’hui, on y est : les rendements agricoles n’augmentent plus malgré l’utilisation forte des machines, des intrants chimiques et des OGM. L’agroécologie qui prône la protection de la biodiversité, le travail à l’échelle des écosystèmes trouve aujourd’hui sa place. 
En 2014, nous avons proposé le projet AVACLIM pour que les millions de paysans qui pratiquent cette approche à travers le monde soient écoutés. Pour fortifier la base scientifique de l’agroécologie, afin que les décideurs politiques puissent l’envisager pour des politiques agricoles d’envergure. 
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, dans le cadre d’AVACLIM, non seulement de continuer à porter le plaidoyer, mais aussi de renforcer les communautés de pratiques et de travailler sur l’établissement d’une grille d’évaluation des pratiques agro-écologiques. Nous allons présenter les premiers résultats de notre travail à la COP15, notre objectif étant que l’agroécologie soit plus sérieusement prise en compte dans les discussions onusiennes. L’agroécologie doit être réellement mise à l’agenda, pour qu’elle puisse devenir un jour un outil préconisé par la COP elle-même dans la lutte contre la dégradation des terres.