
Depuis 19 ans, le FFEM s'engage ainsi aux côtés des acteurs de terrain : d'une hauteur de 17 millions d'euros, son co-financement a bénéficié à 214 OSC africaines dans la mise en place de 305 projets de protection de la biodiversité, dans 28 pays africains.
Organisé dans le cadre exceptionnel de la Réserve de Biosphère du Delta du Saloum située à Toubacouta, dans le sud-ouest du Sénégal, ce forum a rassemblé des acteurs clés de la société civile africaine, bénéficiaires du PPI. Bien plus qu’une simple commémoration, cet événement a été l’occasion de dresser un bilan des défis rencontrés, de partager les enseignements tirés et de mettre en avant des solutions innovantes pour maximiser l’impact des initiatives à l’échelle locale. Grâce à ces échanges riches et à une réflexion collective structurée, le forum a réaffirmé l’engagement des participants à œuvrer ensemble pour la préservation de la biodiversité africaine, tout en traçant une feuille de route ambitieuse et renouvelée pour les années à venir.
Nicolas Rossin, responsable des projets liés aux thématiques Biodiversité, Aires protégées et Fonds fiduciaires au sein du FFEM, et Paul Estève, coordinateur du programme au sein du Comité français de l’UICN, étaient tout deux présents au forum, et partagent avec nous ce qui fait la singularité et la pertinence du PPI dans l’action environnementale africaine.
Comment est né le partenariat du Comité français de l’UICN avec le FFEM dans le cadre du « Programme des Petites Initiatives » ?
Nicolas Rossin : Le partenariat entre le Comité français de l’UICN et le FFEM est né en 2006 de la volonté commune de soutenir les Organisations de la Société Civile (OSC) environnementales en Afrique subsaharienne. Le FFEM a identifié le besoin d’un dispositif de financement adapté aux OSC locales, souvent exclues des circuits classiques de financement de la solidarité internationale. Le Comité français de l’UICN, fort de son expertise et de son réseau, s’est alors positionné comme un partenaire clé pour structurer et gérer le Programme des Petites Initiatives (PPI). Depuis, ce programme a permis de financer et d’accompagner plus de 300 projets à travers l’Afrique sub-saharienne. A ce jour, les pays concernés par les appuis PPI vont du Cap-Vert au Burundi. A noter que le FFEM finance également, depuis 10 ans, le pendant de ce programme, en faveur de la société civile en Afrique du nord (PPI OSCAN).
Pourquoi diriez-vous que le programme de PPI est particulièrement adapté à l’écosystème de la protection environnementale en Afrique subsaharienne ?
Paul Estève : L'Afrique subsaharienne abrite une biodiversité exceptionnelle, avec des écosystèmes variés allant des forêts tropicales aux savanes en passant par les zones marines et côtières. Leur conservation est cruciale pour maintenir cet équilibre fragile face aux pressions anthropiques croissantes (surexploitation des ressources, déforestation, braconnage, etc.) et aux effets des changements climatiques.
Le PPI est un programme flexible, conçu pour répondre aux spécificités des OSC, qui finance des initiatives de terrain tout en renforçant les capacités et l’influence de la société civile africaine sur ces questions, et surtout qui s’inscrit dans la durée, avec la possibilité de pouvoir bénéficier de plusieurs accompagnements successifs.
L’UICN aide ainsi les OSC à formuler une stratégie de long terme, incluant des évaluations régulières pour prouver la bonne conduite du projet. Lorsque le financement atteint sa fin, l’UICN aide les bénéficiaires à pérenniser leurs actions, à créer des alliances stratégiques et à développer de nouveaux partenariats pour amplifier l’impact de leurs initiatives.
Nicolas Rossin : Si l’échelle d’intervention des OSC appuyées par le PPI est souvent de taille relativement réduite, leur connaissance fine du terrain et des enjeux à la fois environnementaux et sociaux en fait des acteurs essentiels dans l’identification de solutions pertinentes, concrètes et réalistes face aux défis posés par la dégradation des écosystèmes dans leurs contextes respectifs. Cet ancrage local est un facteur essentiel de la pérennité de ces solutions et de leur adéquation aux multiples besoins des populations concernées. Par ailleurs, ces OSC sont quelque part les plus légitimes pour exercer un plaidoyer en faveur de la protection de l’environnement en Afrique.
Pour le FFEM, l’appui à ces acteurs que nous ne pourrions pas financer directement en raison de leur taille réduite est complémentaire de notre action en faveur de la préservation de l’environnement sur le continent. Ces organisations peuvent être par ailleurs des vecteurs d’information particulièrement intéressants pour nous sur la réalité des dynamiques en cours sur les enjeux environnementaux africains.
À quelles difficultés sont confrontées les OSC environnementales sur le continent africain ?
Paul Estève : Les OSC africaines rencontrent plusieurs obstacles :
- Tout d’abord, elles sont un accès limité au financement, car les grandes sources de financement international sont souvent inaccessibles aux petites structures.
- Souvent, elles ont une faible structuration : beaucoup d’OSC locales manquent de compétences en gestion administrative et financière, ce qui freine leur développement et leur capacité à mobiliser de nouveaux bailleurs.
- Par ailleurs, leur visibilité est réduite, ainsi leur impact est souvent sous-estimé, et elles ont du mal à se connecter aux réseaux internationaux.
- Enfin, elles connaissent de nombreux défis logistiques et humains, tels que le manque de ressources humaines qualifiées, des difficultés à pérenniser leurs actions…
Comment le programme de PPI vient-il pallier ces difficultés ?
Paul Estève : Le PPI est un programme flexible, conçu pour répondre aux spécificités des OSC, et qui finance des initiatives de terrain tout en renforçant les capacités et l’influence de la société civile africaine sur ces questions. Surtout, il s’inscrit dans la durée, avec la possibilité de pouvoir bénéficier de plusieurs accompagnements successifs.
L’UICN aide ainsi les OSC à formuler une stratégie de long terme, incluant des évaluations régulières pour prouver la bonne conduite du projet. Lorsque le financement atteint sa fin, l’UICN aide les bénéficiaires à pérenniser leurs actions, à créer des alliances stratégiques et à développer de nouveaux partenariats pour amplifier l’impact de leurs initiatives.
Ainsi, le PPI ne se limite pas à un simple financement, puisqu'il propose :
- Un appui financier direct pour des projets concrets, d’un montant de 32 000 euros en moyenne, pour une durée moyenne de mise en œuvre de 20 mois.
- Un renforcement des capacités, avec des formations adaptées aux besoins des OSC (notamment en gestion de projet, gouvernance, communication…).
- Un accompagnement technique par le Comité français de l’UICN et un réseau de 4 coordonnateurs régionaux, qui œuvrent dans les zones suivantes : Afrique de l’ouest, Golfe de Guinée et Afrique centrale.
- Une mise en réseau qui vise à faciliter les échanges entre OSC, le partage d’expériences et d’outils, et l’accès à d’autres sources de financement.
Les différentes phases du PPI ont connu de nombreuses évolutions depuis leur création (personnalisation de l’offre de formation, diversification de l’offre de financement...), quels sont les principaux objectifs pour la septième phase du programme qui s’amorce ?
Nicolas Rossin : La sixième phase du PPI est effectivement en voie d’achèvement, avec une évaluation indépendante qui est en cours et dont les conclusions et recommandations devront servir à orienter le PPI 7. Globalement, cette future phase ambitionnera d’accroître encore l’impact des projets financés tout en poursuivant le renforcement des OSC accompagnées.
Les réflexions en cours portent sur le périmètre géographique du PPI7, qui pourrait s’ouvrir à quelques pays supplémentaires. Aussi, elles portent sur la possibilité d’accroître le volet du programme dédié au développement organisationnel des OSC, dans le but notamment de consolider sur la durée leur structure et ainsi de les accompagner dans le passage à l’échelle des solutions qu’elles portent et qui nécessitent des ressources financières plus conséquentes.
Cette « dernière marche » de la diversification des sources de financement est critique, avec en ligne de mire notamment la capacité pour certaines d’entre elles d’accéder à des bailleurs institutionnels comme le FFEM ou l’AFD.
Le programme Nebeday est un exemple-type d’OSC qui a su porter une OSC vers l’obtention d’un financement direct du FFEM. Pourriez-vous nous en parler davantage ?
Nicolas Rossin : Nebeday est effectivement un bel exemple de « success story » de notre programme. C’est une OSC sénégalaise active depuis 2011 dans la gestion durable des ressources naturelles, l’appui à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, et la protection des écosystèmes, notamment de mangroves.
Initialement soutenue par le PPI, l’organisation a su progressivement structurer son action et gagner en crédibilité auprès non seulement des communautés et autorités locales auprès desquelles elle intervient, mais également auprès d’autres bailleurs. Grâce notamment à l’accompagnement du dispositif PPI (via trois financements), Nebeday a pu accéder à des financements plus importants, dont un financement direct du FFEM. Cette trajectoire montre qu’un appui stratégique peut transformer une petite initiative locale en un programme structurant à grande échelle.
Existe-t-il une émulation particulière entre les différentes OSC, ou du moins une volonté de créer un partage de pratiques et d’expériences ? Quels bénéfices les OSC en tirent-elles ?
Paul Estève : L’un des piliers du PPI est la mise en réseau des OSC. Des événements comme des voyages d’échanges entre partenaires du programme, participation à des ateliers régionaux ou à des événements internationaux (COP, Congrès mondial de la Nature,…) sont régulièrement organisés. Lors du Forum des 20 ans du programme, les OSC ont été invitées à participer à 30 sessions thématiques, organisées sous forme d’ateliers participatifs et animés par les porteurs de projets eux-mêmes.
Habituellement engagées de manière isolée, ce moment de dialogue et de collaboration a permis de renforcer leurs actions respectives, dans la poursuite d’un objectif commun : contribuer, à leur échelle, à la préservation de la biodiversité africaine. Des réflexions sont d’ailleurs en cours sur la possibilité pour le PPI de structurer davantage ces échanges en soutenant des programmes de mentorat entre OSC.
Ainsi, nous encourageons les OSC à se rencontrer pour qu’elles échangent leurs bonnes pratiques, partagent leurs expériences et renforcent leur capacité à travailler ensemble, car les bénéfices sont nombreux :
- Échanges de solutions innovantes face aux défis environnementaux.
- Mutualisation des ressources et des compétences.
- Renforcement du plaidoyer environnemental au niveau national et international.
Depuis le début du programme, les résultats concrets en termes de protection de la biodiversité sont démonstratifs des fortes capacités d'impact des OSC. Ainsi, on décompte depuis 19 ans :
- 25 espèces menacées incluant 12 de mammifères (pangolin, baleine à bosse, lamantin, chimpanzé, bonobo, gorille, girafe, éléphant, hippopotame, sitatunga, cercopithèque Diane de Roloway, lémuriens) dont la sauvegarde a été améliorée.
- 146 projets de création de 25 filières probiodiversité.
- 508 103 ha d’aires protégées communautaires créées.
- 100 plans d’aménagement ou de gestion d’aires protégées élaborés.
Le Fonds Français pour l'Environnemental Mondial et le Comité Français de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature poursuivent avec enthousiasme ce partenariat, qui a su prouver sa pérennité et sa robustesse lors de cette rencontre dynamique et fructueuse.