• logo linkedin
  • logo email
20080706Cameroun_Foumban Site 1 CdC.jpg
Premier membre du Conseil scientifique et technique (CST) à représenter le continent africain, Marc Daubrey a intégré en janvier 2022 cette instance consultative qui inspire les orientations stratégiques du FFEM, garantit la pertinence des projets financés, et contribue à leur suivi et à leur évaluation. Également président de Green Invest Africa, une société de conseil d’ingénierie climat, et fondateur de l’ONG Impactum, Marc Daubrey partage avec nous dans cet entretien sa vision du FFEM et le rôle que le fonds pourrait jouer au regard des grands enjeux en Afrique.
Marc Daubrey

 

Vous avez récemment intégré le Conseil scientifique et technique (CST) du FFEM. Quel est votre domaine d’expertise ? Comment percevez-vous le rôle de cette instance ?

Marc Daubrey : Depuis une trentaine d’année maintenant, je suis très engagé dans la lutte contre le changement climatique, en particulier sur les questions de déforestation et d’agriculture durable. Je n’ai pas un profil de scientifique. A mon sens, ma contribution au CST est donc plutôt liée à mon expérience du terrain. Dans mon parcours professionnel, j’ai d’abord accompagné certains pays africains – en particulier la Côte d’Ivoire, et l’Afrique de l’Ouest en général – dans l’élaboration de leurs stratégies bas carbone. Aujourd’hui mon quotidien, c’est de contribuer à la mise en œuvre de ces stratégies climat et de résilience, de manière opérationnelle. 

L’ONG Impactum, que j’ai fondée, travaille sur le triptyque climat, agriculture, forêt. Elle déploie des programmes de lutte contre la déforestation et de résilience. Son approche est de faire de cette lutte non seulement l’affaire d’une société, d’une filière agricole ou d’une coopérative, mais de tous les acteurs d’un territoire. J’ai travaillé avec un certain nombre de fonds d’investissement auparavant, mais le FFEM m’a particulièrement intéressé justement pour son « approche-territoire » et son focus sur l’innovation. 

Par ailleurs, chez Green Invest Africa, nous accompagnons les acteurs dans la mise en œuvre de leurs stratégies bas carbone. Nous travaillons aussi sur des stratégies sectorielles, par exemple sur les filières café et cacao en Côte d’Ivoire, qui souhaitent réduire leur impact sur la déforestation. 

Par rapport aux autres fonds avec lesquels j’ai pu travailler, le FFEM a cette particularité: avec le CST, il bénéficie d’une forme d’« advisory board », un groupe de conseil qui regroupe plusieurs compétences, disciplines et expériences diversifiées. Le mode de fonctionnement de ce conseil permet à ses membres de contribuer de façon totalement libre et indépendante, sur leur terrain d’expertise. Ce qui est enrichissant, c’est aussi la réflexion sur la stratégie d’ensemble, sur l’identité du FFEM, et sur ce qu’il pourrait devenir.

L’Afrique est une priorité géographique pour le FFEM. Quels sont pour vous les grands enjeux du continent dont il pourrait se saisir ?

On est tous d’accord pour dire que les enjeux majeurs du continent concernent l’emploi des jeunes et l’autonomisation l'« empowerment ») des femmes. C’est en se focalisant sur ces deux prismes que l’on posera les bonnes questions et que l’on progressera dans cette obsession de tous : la lutte contre la pauvreté. 

Autre enjeu-clé, la durabilité est également essentielle face aux impacts du changement climatique. Car finalement, vous aurez beau avoir une croissance, des infrastructures, un faible taux de chômage… si les populations ne vivent pas dans un cadre de vie propice, pour elles-mêmes et leurs générations futures, on sera passé à côté de quelque chose. Biodiversité, forêts et terres agricoles, écosystèmes aquatiques, transition énergétique, gestion des déchets : les domaines d’expertise du FFEM sont au cœur de l’action pour la durabilité. Ce que le FFEM pourrait approfondir concernant son action en Afrique, c’est probablement cette question de ciblage des populations. Il faudrait faire le lien entre ces cibles prioritaires et les enjeux de durabilité, optimiser ce triptyque : femmes, jeunes et durabilité. 

La nouvelle stratégie du FFEM est en train de se dessiner, fruit d’un travail entre le secrétariat, le CST et les instances ministérielles. Quelles seraient pour vous les nouvelles frontières à explorer pour le FFEM ? Quelles seraient les niches d’innovation de demain? 

L’enjeu ici est à mon sens la recherche d’une réelle alchimie entre les cibles de populations dont j’ai parlé, et les outils de financements que propose le FFEM. Le fonds doit garder sa spécificité, tout en la connectant aux nouveaux enjeux du continent africain. Tout ce qui concerne les aspects de financement pourrait gagner en flexibilité, pour être plus adapté aux initiatives des acteurs locaux des pays africains. Les discussions au sein du CST avancent dans cette voie. Mais à l’échelle plus globale des acteurs du financement, cette évolution n’est pas assez rapide. Aujourd’hui, la majorité de ces acteurs n’ont pas encore suffisamment intégré l’intérêt et la nécessité d’appuyer les acteurs africains. Il s’agirait d’imaginer tous les mécanismes qui pourraient permettre d’accélérer le mouvement, que ce soit la mise en place d’accélérateurs ou d’incubateurs, ou bien de financements « fast track ». Un fonds comme le FFEM pourrait le faire, en tant qu’acteur du développement, mais il faudrait que le système bancaire classique évolue lui aussi vers cette nouvelle nécessité des acteurs de l’économie durable. Globalement, les pays en développement et leurs acteurs sont en train de monter en puissance et en maturité. Une nouvelle coopération est à définir pour une meilleure implication de ces pays.